Tiré de « l’écho des casernes » n°1 février 1977
Une affaire compliquée, aux ramifications innombrables, qui met enjeu le fameux « Gang des Lyonnais » et qui commence par l’arrestation de plusieurs patrons hôteliers ou restaurateurs de Nice ou Chalon-sur-Saône, une sombre histoire de traite des blanches, telle est, d’abord, l’affaire du PoÙf de Calvi.
Rien de bien stupéfiant, finalement ; un réseau de proxénètes qui « alimente » un BMC (Bordel Militaire de Campagne) au 2e Régiment de parachutistes de la Légion étrangère à Calvi, le « Pouf » baptisé sur les registres officiels du régiment, « centre culturel » …
Une concession « bien naturelle » à la virilité célèbre des légionnaires, ces vrais hommes, comme dit la chanson …
Mais tout cela prend une tournure bien différente quand on le voit avec les yeux de la « marchandise « ,les femmes qui y ont été, celles qui y sont encore, et, plus généralement, toutes les femmes ; car toutes les femmes sont concernées, menacées par ce qui n’est que la forme extrême des rapports entre hommes et femmes produits par l’institution militaire. Noëlle Cerf, la jeune femme qui a fait << éclater l’affaire » raconte :
« J’ai fait entre 60 et 80 clients par jour pendant deux ans « . Elle, et ses compagnes, étaient en- fermées dans le camp, sous la garde de sentinelles ; certaines pouvaient sortir une fois par semaine pour aller chez le coiffeur. Elles étaient vêtues et nourries … Est-ce exagéré de parler d’esclavage ?
Il est impensable en tout cas que ce trafic, ces emprisonnements intolérables aient été ignorés des autorités militaires.La hiérarchie militaire de la Légion étrangère doit être dans ses petits souliers !
Il s’agit bien sûr d’une « bavure », comme les viols commis par des militaires, en temps de paix comme en temps de guerre, comme les agressions dont sont si souvent victimes des femmes dans les villes de garnison.
Mais ces bavures sont significatives ! Elles en disent long sur la conception de la « virilité » que propage l’armée. La violence sexuelle, l’inhumanité d’un rapport aux femmes, qui va de l’esclavage. organisé à l’agression caractérisée, tel est le pain quotidien de l’armée bourgeoise, qui exclut les femmes, leur reconnaît pour seule valeur une valeur de marchandise (le « repos du guerrier » ), qu’on paie ou qu’on prend. Ce mépris des femmes (puisqu’il n’y a pire insulte que celle de femmelette… ) l’armée le respire par tous ses pores, elle en est, en quelques orte, cimentée, puisque reposent sur ce mépris toutes ces fausses valeurs de pseudo-fraternité virile. L’affaire du « Pouf » de Calvi n’en est qu’une manifestation. Mais le mouvement des femmes aurait tort de s’en désintéresser : il est grand temps que la lutte des femmes se fasse sentir dans les casernes. Elle peut et doit être un auxiliaire indispensable à tous ceux qui remettent en cause cet édifice militaire qui se lézarde.
Collectif femmes