Enfants soldats, les oubliés des guerres

Article extrait du Monde libertaire n° 1800 de novembre 2018

Les enfants soldats, nous n’aimons pas trop en parler. Parce que dans nos contrées, l’enfance c’est un peu sacré, c’est un peu un moment sensé être joyeux. Même si ce n’est pas totalement vrai, que des horreurs arrivent ici aussi, nous avons quand même du mal à imaginer nos bambins une armes en bandoulière et tuant des gens. 

Pourtant, il existe 20 pays où officiellement, du moins sans que cela ne dérange trop, des enfants sont enrôlés dans l’armée ou dans des groupes armés. Les voici : Afghanistan, République centrafricaine, République Démocratique du Congo, Irak, les territoires palestiniens, Liban, Libye, Mali, Birmanie, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, République arabe syrienne, Yémen, Colombie, Inde, Nigéria, Pakistan, Philippines, Thaïlande.
Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive, car certaines situations ne sont pas connues.

Oui, dans le monde, des adultes n’ont aucun scrupule à envoyer des enfants à la guerre. Selon l’UNICEF, le recrutement peut commencer à l’âge de 7 ans. Vous avez bien lu.
Contrairement à une idée reçue, le « garçon africain à la kalachnikov » n’est pas le seul à être enrôlé. C’est plus de 20 zones de guerre (en lien avec les pays cités ci-dessus) qui voient se mettre en place la logique mortelle du recrutement d’enfants. Ainsi nous pouvons noter qu’une grande proportion de filles est présente dans les conflits asiatiques. La Birmanie est d’ailleurs un des principaux recruteurs d’enfants soldats. En Amérique du Sud c’est en Colombie que la situation est la plus préoccupante, et ce depuis 1964. Avec là aussi une présence forte de jeunes filles.

Mais pourquoi recrutent-ils des enfants ? Parce qu’ils sont corvéables à merci, et qu’ils peuvent assurer des tâches militaires précisent : garde du corps, espion, garde, combattant, patrouilleur, bombes vivantes. Parfois, ils sont associés à une mystique et servent de sorte de gri-gri pour les combattants. Mais aussi parce que l’endoctrinement de jeunes enfants intellectuellement malléables est assez simple par rapport aux adultes et qu’en prime c’est un outil de terreur face à l’ennemi : la cruauté enfantine impressionne toujours énormément.
Il n’y a pas de limite dans l’horreur, les enfants sont aussi souvent là pour servir l’appétit de domination sexuelle des soldats adultes.
Plusieurs études démontrent que ces enfants sont, comme leurs corolaires adultes, souvent drogués pour tenir le choc dans les conflits.

Mais le plus cynique est sans doute le fait que l’industrie de l’armement s’adapte à leur présence. Depuis une certains nombre d’années, nous voyons fleurir des armes plus légères qui s’adaptent aux petites mains, de matériels moins lourds que des enfants peuvent plus et mieux transporter. Vous croyez que ces armes viennent de quel pays ? Oui, baissez les yeux sur votre carte d’identité, c’est écrit dessus.
Il existe bien des textes internationaux, signés par 105 états, qui tentent de mettre un cadre à tout cela et à interdire les enfants soldats. Les fameux Engagements de Paris couplé aux Principes de Paris. Mais ces engagements sont souvent piétinés, même par les états signataires, quand un conflit s’ouvre ou que le business est à faire.
Il n’est pas rare que dans le soutien apporté par des forces militantes progressistes des pays riches, le fait que celles et ceux qui sont soutenus aient recours à des enfants soldats soit volontairement ignoré. C’est là aussi une démonstration des limites éthiques élastiques que nous pouvons avoir, mais aussi de notre manque de prise en compte des enfants dans nos positions politiques en général.
Si l’UNICEF tente avec quelques associations d’aider ceux qui ont survécu à reprendre une vie normale, force est de constater que très peu est fait pour aider les ex-enfants soldats à retrouver un équilibre de vie. Le sujet est d’ailleurs rarement évoqué. Comme un tabou.
Il n’y a pas de chiffre précis d’enfants soldats dans le monde, mais certaines sources avance l’idée que ce serait plus de 300 000 enfants qui sont aujourd’hui concernés. Nous sommes face à un phénomène de masse.

Alors il est important que nous les mettions en lumières. Mais sans doute aussi que nous soyons plus critiques des soutiens que nous apportons. Ne faisons pas comme toujours des enfants des « sous individus » ou une part négligeable de la société.
A nous aussi de rappeler notre antimilitarisme, mais aussi notre attachement à une vie sereine pour toutes et tous, enfants compris.
Je n’ai pas de solution simple et toute faite. Mais en parler, c’est déjà
commencer à construire.

Fab- Graine d’anar – Lyon

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