La musique qui marche au pas…

Pour en finir avec le 14 juillet

Un texte lu au rassemblement pacifiste de Joyeuse (07) le 11 novembre 2012. Ou comment parler du 14 juillet un jour de souvenance… On pourra remplacer Françoise Parisot par Pierre Gattaz.

Le 11 novembre 1918 était signé la fin de la grande boucherie, les industriels des deux camps s’étant suffisamment engraissés. Dans chaque village, dans chaque famille les dividendes étaient de larmes et de sang.

Le 14 juillet 1919 le défilé traditionnel céda la place à un défilé de la victoire avec en tête 1000 mutilés à pied pour ceux qui en avaient encore. Suivaient, à cheval, les glorieux maréchaux dont Pétain sur son fier destrier blanc puis les troupes françaises et alliées. Le long du parcours, des monticules de canons ennemis brisés surmontés de sculptures de coqs géants.
Le défilé dura trois heures. A la même cadence, si tous les morts avaient pu se lever et marcher, le défilé, la Guerre Pride, aurait duré onze jours et onze nuits…

Le 14 juillet 1880 fut instaurée la fête nationale par la jeune 3e république. Le sacre n’étant pas de mise pour porter la république sur les fonts baptismaux du pouvoir, il fallait alors créer des symboles pour souder le régime.
Mais pourquoi ce choix du 14 juillet ?
Le 14 juillet 1789 ?… Trop sanglant, trop populo pour les conservateurs.
Le 14 juillet 1790 – premier anniversaire de la prise de la Bastille mais surtout fête de la Fédération – fut choisi car marquant la naissance de la nation française.
Pourquoi le défilé militaire le 14 juillet 1880 ? Dix ans après la défaite de Napoléon III à Sedan, il fallait montrer que la nation s’était redressée. D’où le défilé militaire sur l’hippodrome de Longchamp avec remise par Jules Ferry de nouveaux drapeaux et de nouveaux étendards à cette glorieuse armée qu’on présente alors comme la protectrice de la nation et de la république.

Le peuple souverain de France tout heureux se trouva alors riche d’une fête nationale, d’un hymne sanglant et d’un joli défilé d’uniformes républicains qu’on allait rapidement pouvoir admirer hors de nos frontières puisque, à commencer par la Tunisie en 1881, le modèle républicain fut exporté manu-militari dans ce qui devint nos « colonies ».
Le 14 juillet 1936, suite à la victoire du Front Populaire, les syndicats décidèrent de défiler le même jour que l’armée protectrice de la nation et de la république. 6 jours plus tard, le Frente popular espagnol demanda l’aide du gouvernement de front populaire français contre le soulèvement franquiste. L’armée française s’avéra alors être la protectrice de la seule nation française et de la seule république française…

Ainsi donc, on a mis dans l’inconscient collectif des individus vivant sur le sol de France que chaque année, il fallait fêter cette armée si républicaine. Cette même armée qui pouvait être royaliste, impériale, d’ordre moral, pétainiste selon la main qui remplissait la gamelle.
Cette armée qui ne sert qu’à défendre le pouvoir en place qu’il soit politique ou économique.

Nous avons pu prendre connaissance du déroulement d’un futur défilé du 14 juillet.
Le défilé de la victoire du Capitalisme contre les forces obscures des héritiers du progrès social…

Le défilé débutera comme de coutume par les différents corps d’armées. On remarquera particulièrement les bataillons de maintien de l’ordre dans les cités, les forces stratégiques d’expulsion de squats, les brigades anti-grèves, les régiments anti-manifs, la force d’intervention légère spécialisée dans la protection des banques et des supermarchés avec un hommage rendu aux vétérans ayant œuvré à la construction d’un aéroport inutile en milieu hostile.
Grande nouveauté cette année, défileront ensuite les forces vives de la nation :
Ouvrant la marche et forçant le respect, en silence viendra la brigade mobile des DRH. Suivront les traders dans leur uniforme d’apparat le regard fixé vers la ligne bleue des cotations. Puis viendra la cavalerie bancaire. Quelques petits épargnants égarés à la recherche de crottin hypothétique. Toute une cohorte de fourgons blindés et enfin les délégations étrangères Moody’s, Standard and Poor’s, FMI et autres maîtres du monde.
Enfin, la présidente Françoise Parisot descendra de la tribune officielle afin de déposer une gerbe sur les pieds de Liliane Bettencourt.
Le défilé s’achèvera alors avec le passage de l’aviation, de nos espoirs envolés et du Père Noël dans son traîneau.

Il ne tient qu’à nous de foutre en l’air cette triste mascarade. En abattant nos idoles :
L’Armée qui n’a été, n’est et ne sera que le protecteur du seul pouvoir du moment.
L’idée de Nation qui nous pousse à nous trouver plus de similitudes avec les vampires qui nous exploitent chez nous qu’avec les « collègues » d’outre frontières.
Le Travail salarié qui nous fait aimer notre maître pour la gamelle presque vide qu’il condescend à nous tendre.
Le Capitalisme, cet ennemi triomphant, descendant direct des compagnies d’exploitation durable de la forêt saharienne
Les Religions qui nous apprennent l’obéissance et l’acceptation de notre condition contre une très très très hypothétique part de tarte céleste…

Mettons à bas ces mascarades, ces défilés. Abolissons la parade de nos gardiens. C’est à nous de marcher dans les rues. C’est à nous d’être les garants de notre avenir.
À bas toutes les armées. À bas tous les exploiteurs.
Ni dieux ni maîtres ni patries ni moines ni patrimoines.

https://www.monde-libertaire.fr/?article=La_musique_qui_marche_au_pas

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