Le groupe d’Aubenas de la Fédération Anarchiste a tenu à être, une fois de plus, présent à ce rassemblement au monument pacifiste de Joyeuse.
Oui, il faut réhabiliter les pauvres bougres fusillés pour l’exemple.
Oui, il faut nous souvenir de l’inhumanité de leur vie au front…
Mais combien parmi eux étaient partis la fleur au fusil ? Combien de familles heureuses sur les quais de gare ?
Ils n’étaient pas contre la Guerre, ils étaient contre cette guerre dans ces conditions.
Combien de prolos étaient partis pour blesser, estropier, tuer des prolos d’en face ?
Pourtant le début du vingtième siècle était marqué par un fort sentiment antimilitariste au sein du monde des travailleurs qui avaient compris (surtout après le massacre de Fourmies commis en 1891 quand l’armée tire sur des grévistes pacifistes faisant 9 morts et une quarantaine de blessés) que, sous prétexte de défendre la patrie, le régime capitaliste s’appuyait sur l’Armée pour écraser les exploités. Les milieux révolutionnaires jugèrent donc l’antimilitarisme comme une stratégie de premier ordre pour miner le capitalisme en cherchant à affaiblir et démoraliser sa principale institution défensive, l’armée.
Alors, pourquoi tous ces prolos partis pour blesser, estropier, tuer des prolos d’en face ?
Face à l’effondrement de la « religion des calotins », laquelle avait servi pendant des lustres à mystifier les foules et à les détourner de la révolte émancipatrice, les bourgeois « aux abois » s’étaient arrangés pour imposer avec un certain succès aux masses serviles une « religion nouvelle », pour substituer au dogme vieilli un « dogme nouveau », une religion de haine, de mort tout autant que l’avait été l’autre : la « religion patriotique ». Et beaucoup de prolétaires ont alors trahi l’Internationale pour la Nationale qui les conduisait tout droit à l’abattoir.
Il y eut pourtant des mouvements d’insoumission comme notamment en 1913 quand de nombreux insoumis à l’armée ou à la nouvelle loi des 3 ans s’exilèrent à Londres pour échapper aux foudres de la justice militaire (ils risquaient au minimum 5 ans de forteresse). Le 4 août 1914 était même adopté dans l’urgence le projet de loi relatif à l’amnistie pour les insoumis et les déserteurs de l’armée de terre et de l’armée de mer qui se présenteraient volontairement à l’autorité militaire.
Alors, pourquoi tous ces prolos partis pour blesser, estropier, tuer des prolos d’en face ?
Beaucoup de militants convaincus, y compris des libertaires, se rallièrent à l’Union Sacrée. Peut-être se sentaient-ils descendants de la butte bleu-blanc-rouge de Valmy et de son tristement célèbre « La Patrie est en danger »… Le lendemain de l’assassinat de Jaurès on pouvait lire dans les colonnes de son journal « DEFENSE NATIONALE D’ABORD ! ILS ONT ASSASSINÉ JAURES, NOUS N’ASSASSINERONS PAS LA FRANCE ».
La guerre a été faite par des prolos, avec des armes construites par des prolos. D’autres travailleurs ont conduit les trains, les taxis de la Marne, les ambulances.
Et tout ça pour le profit de quelques familles avec l’assentiment de la foule qui applaudissait au passage des troupes.
Tout ça au nom de la Nation, de la Patrie
« Le patriotisme, c’est la collaboration de classe » qui mêle dans le même panier exploiteurs et exploités d’un camp contre exploiteurs et exploités du camp adverse
4e Leçon (tiré d’un manuel scolaire d’époque): Devoir envers la Patrie. Vous devez aimez la Patrie ; c’est votre premier devoir. Vous devez penser dès maintenant avec joie, qu’un jour, quand vous serez devenus grands, il faudra que vous la serviez et que vous la défendiez, si les habitants des autres pays l’attaquaient .
Le patriotisme instillé durant des décennies de leçons de morale poussait des milliers de travailleurs à considérer qu’il y avait plus de point commun entre eux et les parasites qui les exploitaient qu’entre eux et les prolos d’en face.
34e maxime : nous aimons la terre qui nous a vu naître comme nous aimons notre mère.
44e maxime : tu n’oublieras jamais que ta mère est la France.
Quand on en est à croire que le sol qui nous porte mais appartient à d’autres est notre mère patrie on est prêt à tout accepter…
43e maxime : Il est beau pour l’homme brave de tomber au premier rang en combattant pour sa Patrie.
Combien de prolos toujours prêts à partir blesser, estropier, tuer les prolos d’en face ?
Combien de renoncements, combien de sacrifices, combien de meurtres et de crimes commis au nom de cette connerie monstrueuse qu’est la Patrie ?
Aujourd’hui Patries, Union Européenne, mondialisation s’entremêlent au milieu des discours.
Aujourd’hui, face à l’effondrement de la « religion des Nations citadelles », laquelle avait servi pendant des lustres à mystifier les foules et à les détourner de la révolte émancipatrice, les bourgeois « aux abois » se sont arrangés pour imposer avec un certain succès aux masses serviles une « religion nouvelle », pour substituer au dogme vieilli un « dogme nouveau », une religion de haine, de mort tout autant que l’avait été l’autre : la « religion de l’ennemi intérieur ».
La société est de plus en plus sécuritaire. La population est épiée par des caméras construites par des prolos ; matraquée, gazée, blessée par des armes construites par des ouvriers, les plus virulents des désobéissants sont embastillés dans des prisons bâties par des travailleurs. Et la masse ravie applaudit à la mise au pas des récalcitrants…
L’obéissance a toujours causé plus de victimes que la révolte…
Alors assez de la soumission : Le capitalisme, c’est la guerre parce que la guerre profite aux « marchands de canons » et que la concurrence des marchés l’engendre fatalement. Le capitalisme n’est pas une maladie incurable. Cessons de le subir, combattons-le.
Ni dieu, ni Maître, ni Nations. Et vive la Sociale si elle ne s’est pas embourgeoisée…
Source : http://www.aubanar.lautre.net/